Julie Beaufils: La plage
Le Rayon vert (1882) est une nouvelle romantique écrite par Jules Verne. Les deux personnages principaux sont à la recherche du "rayon vert", le premier rayon du soleil lors de son lever ou le dernier lors de son coucher, avant qu'il ne disparaisse de l'horizon, cela crée un phénomène optique lors duquel un point ou un rayon vert devient furtivement visible. Un film du même nom fut réalisé par Eric Rohmer en 1986.
La peintre suédoise Hilma af Klint, exprimait sur son testament la volonté de ne révéler ses peintures au public que vingt ans après sa mort. Elle était convaincue que le monde n'était pas encore prêt à recevoir ses travaux abstraits, profondément liés au spiritisme, à la guidance spirituelle et aux interprétations ésotériques. Pendant la majeure partie de sa vie, elle travaillait paisiblement au sein d'une communauté de femmes par contraste avec ses contemporains masculins, auteurs de nombreux manifestes.
Les peintures de l'exposition La plage, réalisées par Julie Beaufils, datent de 2017 et 2018. On pourrait les définir comme hors du temps. Je pourrais les décrire comme éthérées, venant d'un autre monde, mais elles ont été réalisées pendant deux années de prise de conscience, cela tant au niveau personnel qu'à l'échelle de la politique mondiale.
Comme ce moment entre le sommeil profond et l'éveil, ou lorsque les premières lueurs du soleil apparaissent, chaque peinture se situe au sein de cette zone grise où l'abstraction rencontre la figuration.
Le Bokashi est une technique d'impression sur papier japonaise. Les transitions de valeurs et de lumière d'une même couleur sont obtenues grâce à un dégradé d'encre directement appliqué sur un bloc de bois humide. Cet effet est souvent présent sur les estampes au niveau le plus haut du ciel, là où le monde visible se réduit petit à petit à quelques lignes noires et bleues. Dès lors, ces lignes deviennent des degrés de l'inconscient, des images, comme les barreaux d'une cage dorée, un plafond de verre. Le désert vu à travers la vitre d'un passager. Les peintures deviennent des mirages. Mais quel est le moins réel - le plafond de verre ou la liberté du white cube ?
Chaque peinture nous invite vers un moment. On dit du rayon vert qu'il permet de "lire sa propre sensibilité mais aussi celle des autres". Si l'on ne meurt pas immédiatement de soif, que voit-on dans un mirage ? Ici, telle une gamme d'humeurs, chaque couleur est choisie pour sa vibration, sa façon propre de maintenir et de créer un espace.
Les formes abstraites amènent à des références concrètes et poétiques - le crépuscule, prendre position dans le monde, la spiritualité aujourd'hui. Une forme circulaire récurrente évolue, s'expand, se compresse, puis se transforme en un halo de chaleur ou un globe, palpable derrière une paupière. Cette forme parle avant tout de ce qui est possible - à partir d'une matrice, de l'oeil et de l'intuition.
Ana Iwataki