Isabelle Cornaro & Behjat Sadr
Behjat Sadr & Isabelle Cornaro
organisée par Cyrus Goberville
Behjat Sadr (1924 - 2009) arrive à Paris en 1980 à la suite de la révolution islamique d’Iran, qui marque la fin de l’influence occidentale sur le pays. Première peintre abstraite d’Iran, le mouvement est au coeur de sa pratique, qu’il s’agisse de gestes colorés réalisés lors de son séjour en Italie dans les années 1950, ou de répétitions rythmiques du noir dans les années 1970. Elle construit son oeuvre en rejet de pratiques picturales issues de la tradition culturelle iranienne, tout en se nourrissant de son environnement, de ce qu’elle a vu et ressenti dès son enfance. L’architecture des voûtes de la Grande Mosquée d’Ispahan inspire une série d’oeuvres géométriques, et les plateformes pétrolières nationales hantent des toiles qui interrogent le rapport ambivalent de l’Iran face aux revenus générés par cette exploitation. La guerre Iran-Irak et la maladie la décident à rester à Paris. Elle y crée des collages et photo-peintures traversés par le passé et le présent, d’êtres solitaires errant dans des espaces insolites souvent pris dans un étau de troncs noirs, suggérant une angoisse « liée à notre temps, et dont tous les lieux paraissent marqués », qu’elle évoque aussi dans ses écrits. Behjat Sadr décède en 2009, en France.
Isabelle Cornaro (née en 1974) grandit en République centrafricaine et arrive à Paris en 1980, à la suite de la chute de l’empereur Jean-Bédel Bokassa, organisée par le gouvernement français en raison de son rapprochement avec Mouammar Kadhafi — cette nouvelle politique menée contrariant les intérêts de la France, bénéficiaire de l’exploitation des ressources minières du pays (dont l’or et le diamant). La série Savane autour de Bangui (un facsimilé) est une oeuvre intime, évoquant directement la question coloniale. Elle se compose de copies en bronze de bijoux en pierres et métaux précieux ayant appartenu à la mère de l’artiste, organisées à la manière de paysages simplifiés, proches des jeux et de l’imaginaire de l’enfance. Ces combinaisons, qui renvoient les objets (chaînes, montres, pendentifs) à différentes identités selon leur position dans chaque composition, sont augmentées par des variations d’échelle. Celles-ci soulignent la dimension psychologique, fantasmatique, de notre rapport aux espaces, à l’enfance, à l’histoire, à ce qui est réel ou imaginé, vrai ou faux.
L’exposition rapproche deux artistes de différentes générations, liées par l’influence d’événements historiques sur leur pratique artistique.