Simone Fattal: Paintings and Ceramics
En 1979, Simone Fattal décide d'arrêter la peinture. Elle donne le dernier coup de pinceau à une peinture, Le Mont Sannine (1979). L'oeuvre achève un travail d'observation assidu de la montagne qu'elle scrute au quotidien par sa fenêtre alors qu'elle vivait à Beyrouth. Le voisin imposant et puissant, partiellement recouvert de neige, devient peu à peu un motif dont l'artiste va décliner le dessin, les nuances lumineuses, les couleurs et les impressions. Peu à peu, les peintures aux couleurs vives et intenses laissent place à la blancheur. Le blanc enveloppe et envahit progressivement les compositions. Il s'impose comme la lumière de Beyrouth, une lumière blanche, éblouissante, quasi aveuglante. Alors, les dernières peintures sont baignées de cette lumière à la fois troublante et rassurante. Le Mont Sannine s'efface, il se fait réminiscence et ouvre un espace de projection infini. Un espace où la figuration et l'abstraction mènent un dialogue qui altère avec subtilité leurs frontières. La question des porosités est ainsi mise en oeuvre.
Les peintures des années 1970 installent une réflexion où le quotidien et la mémoire tiennent une place centrale. Les deux territoires de recherche sont essentiels dans l'oeuvre de Simone Fattal dont les fondements engagent une relation ténue entre le passé (l'Histoire) et le présent.
L'artiste est fascinée par l'archéologie : fouiller la terre pour remettre à jour les objets, les fragments abimés et les traces de civilisations passées. Il n'est donc pas étonnant qu'à son arrivée aux Etats-Unis, dans les années 1980, elle s'investisse pleinement dans une pratique de la céramique. Les mains dans la terre, elle façonne, sans aucune forme de maniérisme, des corps debout, des architectures résistantes. A ces oeuvres bien connues, elle développe parallèlement la création d'objets assignés à l'espace domestique, au quotidien : des vases, des pots, des théières, des plats ou encore des tasses. Les gestes volontairement primaires dont les traces sont visibles sur les sculptures, sont ici affinés. Simone Fattal voue un immense respect à l'artisanat dont les enseignements sont transmis à travers le temps, les cultures et la géographie. Elle affectionne les gestes minutieux, les techniques précises, le savoir-faire et le travail des matériaux. Alors, la cohabitation des peintures sur toile et des pots en terre cuite formulent un télescopage entre le présent et l'archéologie, entre l'art et l'artisanat, entre l'existant et le souvenir de cette existence. Consciente d'un monde en dérive, d'une Histoire et d'une actualité nourries d'une brutalité incessante, Simone Fattal éprouve par la matière la fragilité, la résistance et la survivance de nos histoires.
- Julie Crenn