Shabahang Tayyari: Siyâvash’s teardrop
Je commence avec du noir, du rouge indien et du vert jade, et je continue avec du bleu. Je termine par le beige ou par le vert. Peu à peu, à mesure que je me rapproche des finitions, je commence à me soucier des limites précises de chaque couleur, de leur utilisation la plus indépendante possible. Je ne voudrais pas qu'une couleur m’en tienne rigueur. Mon travail consiste à distinguer et à délimiter. Je voudrais que le noir de la fritillaria imperialis, « tulipes inversées » comme on les appelle en Iran, sache que je sais qu'il n'aime pas être avec les roses tachetés. Je voudrais qu'aucun feu ne dévore les flammes d'un autre.
Je voudrais que chacun de nous brûle dans le feu qu'il alui même allumé.
Même en enfer, il faut allumer son propre feu.
Mais la vague souhaite se répandre sur le feu. Elle sait qu'elle peut gagner le combat. Je loge la vague quelque part au milieu des flammes, sans offenser le feu. Ils comblent mutuellement leurs vides. Je remplis les espaces libres. Je souhaite qu'il ne reste aucune question non résolue. Chaque forme est indépendante et informée sur son territoire. Aucune ne se sent supérieure aux autres, sauf la fritillaria imperialis, qui en a parfaitement le droit. Elle a sacrifié sa vie. Ces couleurs et ces bordures sont toutes une célébration, une fête pour les tulipes, pour leurretournement.
Les stigmates sont des bijoux, des larmes et des perles ; des perles noires. Ces amours qui ne figurent que dans les récits de marins sont impossibles à toucher, ce ne sont que des légendes. Mais notre histoire de la fritillariaimperialis est totalement différente des contes de marins avec tous leurs trésors, talismans et malédictions. Notre fritillaria imperialis est solide. Tout comme l'Arc de Ctésiphon, qui subit des dommages sans s’écrouler. Notre tulipe, si elle est brûlée dans les flammes, renaîtra comme un phénix.
Le phénix se retournera pour la liberté, s'écroulant sur lui-même et sur son propre sang, et renaîtra de ses cendres et de son feu, encore et toujours. Il se jette dans le champ et le désert ; le sang ne s'efface pas dans la terre ; le feu ne disparaît pas non plus dans la terre. Il renaîtra. Il exploitera la vie. Il vivifiera la jeunesse. Jamais ce cycle ne prendra fin.
Texte de Shabahang Tayyari
Traduit du persan en anglais par Ashkan Zahraei
Note : Dans l'histoire mythologique et le folklore persans, on pense que la fritillaria imperialis était autrefois un lys dressé, mais qu'une fois témoin du meurtre du légendaire prince perse Siyâvash, elle inclina sa fleur pour pleurer respectueusement le martyre du héros innocent.