Alex Ayed: Pathetic Fallacy

Jan 11 - Mar 10, 2018 

Balice Hertling project space

47 rue Ramponeau

 

« Now, therefore, putting these tiresome and absurd words quite out of our way, we may go on at our ease to examine the point
in question- namely, the difference between the ordinary, proper, and true appearances of things to us; and the extraordinary, or false appearances, when we are under the influence of emotion, or contemplative fancy; false appearances, I say, as being entirely unconnected with any real power or character in the object, and only imputed to it by us.
» 

John Ruskin, 'Of The Pathetic Fallacy', Modern Painters (volume III, part 4, 1856) 

 

« Il est beau non ? Voilà, c'est lui. » C'est un container d'essence à l'ancienne, à moitié rouillé et abimé qu'Alex me décrit. Il l'a récupéré à Ksar Ghilane, une Oasis du Sud de la Tunisie, à l'orée du Grand Erg Oriental. Il parle toujours de ses objets comme s'ils étaient ses amis. D'ailleurs ils le sont un peu : ils partagent avec lui des histoires, des voyages, ils sont les témoins de sa carrière de contrebandier débutant. Cet objet là en particulier lui ressemble même un peu : élancé, fin et maladroitement élégant. C'est déjà une sculpture, un auto-portrait peut-être, pas un ready-made en tous cas.
« Mes objets sont petits » me dit-il, mais il peut parler de chacun d'entre eux pendant des heures parce qu'ils sont porteurs de récits, qu'ils renvoient à des mouvements, à des trafics, et à une certaine idée de transition dans le temps et l'espace. Ils sont la preuve de ses tentatives répétées d'arriver à la fin du monde que l'on dit « occidental ».
« On y est là ? » c'est ce que semble signifier le sable ramassé une nuit dans le désert et embarqué dans le coffre de sa voiture. Mais tout comme les objets, les espaces aussi ne sont que le résultat du regard que l'on porte sur eux.
Une fleur exotique sur un savon à l'huile d'olive. Chinatown rencontre Moknine. 

Alex Ayed ne cherche pas à transporter des formes venues d'ailleurs, et à les exoticiser dans l'espace d'exposition. Il cherche à révéler les pratiques et postures que ces formes incarnent, elles sont pour lui la manifestation physique d'une tradition orale.
Il joue avec les objets comme le poète s'amuse avec les mots : à travers des associations, il crée des images mentales de manière à ce que chaque assemblage soit une sorte de haïku. A travers l'improvisation et de petits actes de négligence il élève ces objets, ces compagnons, ces copains pathétiques au rang d'œuvres d'art, au détail près qu'elles ne tombent pas dans la suffisance qui parfois caractérise la monstration de l'art et sa conservation.
De temps à autres, il introduit une aberration, un personnage impromptu qui rend impossible une quelconque taxinomie : une mouche, un caméléon mort séché, lui permettent d'introduire un nouveau regard sur les objets, et de renforcer sa passion quasi-obsessionnelle pour le banal, le trivial, le quotidien.
La pathetic fallacy est en marche, la forme des objets à tendance à se dissoudre dans l'œil du regardeur, mais quelques heures plus tard, après la rencontre, on se souvient encore des anecdotes éphémères qu'ils nous ont confiées. 

 

- Myriam Ben Salah